Ken Bugul, celle dont ‘personne ne veut’ en Wolof, n’est pas une écrivaine. Elle refuse cela de façon catégorique même si elle compte une dizaine de livres à son actif. Même si Riwan ou Le Chemin du Sable, en 1999, a reçu le Grand Prix Littéraire d’Afrique Noire.
Elle le dit! A 72 ans et après plus de 30 ans d’écriture, elle n’a pas encore commencé par écrire et ne se revendique pas comme tel. Elle veut être un »grand écrivain » et tenir dans ses mains le Nobel de la Littérature. Elle dit d’ailleurs dans un ton qui s’apparente à de l’amusement qu’elle met sur ses cartes de visite:« Ken Bugul, ménagère ».
La paillote de l’Institut Français du Bénin a failli manquer de souffle. Ce sont des professeurs d’universités et de collèges, les élèves de lycées dépêchés pour rencontrer l’auteure, les journalistes, les amis, les amoureux du livre et plus spécifiquement de l’écriture de la svelte femme noire Bénino-Sénégalaise ( Sénégalaise d’origine et Béninoise par alliance) qui ont consacré leur après-midi du samedi 09 Mars à l’écrivain. Certains ont souvent pensé qu’elle est de sexe masculin du fait de sa signature. Un nom qui rappelle Baobab Fou, son premier ouvrage dans lequel l’héroïne porte la même identité que sa génitrice.
Voir aussi: Hommage à l’Écrivain Barnabé LAYE
Un pseudonyme pour la préserver, selon le choix et les explications de son éditeur, parce que le livre sorti en 1984 bousculait toutes les idées précédemment reçues de l’Occident sur la polygamie, les traditions africaines ou encore le féminisme.
Lorsqu’elle parle (ou plutôt raconte l’histoire parce que tous ces récits en public sont une histoire de plus qu’elle conte même en répondant aux interrogations de son auditoire) ou écoute quelqu’un parler; Ken Bugul ou Mariétou BILEOMA MBAYE n’a pas besoin de prendre des notes. Son aisance et sa bonne humeur constantes si elle les a acquis avec l’âge, lui donnent tous les droits; même ceux de tenir des propos qui dits par d’autres, seraient comme commettre un crime. Ce qui n’est pas le cas lorsque Ken Bugul dit par exemple:
Voir aussi: Littérature au Bénin: Symphorien d’Almeida et les livres d’occasion
- ‘‘Je veux vivre avec une femme parce qu’elle aime les femmes »
- »J’ai des contentieux avec Dieu » parce qu’il l’aurait privé de l’amour de sa mère, sa nièce ayant pris sa place auprès de sa génitrice.
- « Je ne veux pas aller au Paradis, il y a un endroit plus intéressant que le Paradis et c’est là que je veux être »
- « J’ai souvent envie de retourner dans la rue » vivre comme un SDF
- « La famille, c’est une prison, des cloisons dont il faut se débarrasser »
- « Les épreuves existentielles sont des avantages »
- « Etre une femme, c’est être une aliénée ». Elle le dit ainsi en faisant le rapprochement avec son vécu en Europe où elle a côtoyé des vices.
- »Ce sont des accessoires » en parlant des attraits physiques et séducteurs de la femme
- Etc.
Voir aussi: Carmen TOUDONOU écrit pour l’enfant
Si elle estime d’accessoires, mieux encore d’accessoires embarrassants, les attraits féminins qui appellent à la séduction et à la beauté physiologique; L’auteure de »La Folie et la Mort » va plus loin lorsqu’elle parle de la femme dans un contexte global. A la question d’un intervenant à la rencontre-échange qui demandait sa vision pour le futur, elle répond:
- Les femmes, il faut qu’on se débarrasse des actes de victimisation. Pour elle, elles valent mieux et son opinion sur les différentes manières de célébration de la journée internationale des droits de la femme, le 08 Mars, ne diffère guère. Le débat a évolué, de même que les combats parce qu’il faut actualiser et contextualiser les luttes selon Ken Bugul.
Elle a fini cette rencontre livresque en s’adressant en priorité aux adolescents présents dans l’assistance: « Je n’ai pas de diplôme, tout ce que je sais, je le sais par la lecture » Une exhortation nécessaire dans un monde épris d’internet, de réseaux sociaux et de téléphones portables, dernière génération.