Numérique

Le Code du Numérique en république du Bénin n’a pas éradiqué les violences en ligne, cependant il représente un outil majeur d’appel à la conscience, de prévention et de répression.

Par Ganiath Bello, WanaData 2025

Un constat amer : les violences en ligne telles des contre-avantages du numérique

Plusieurs médias en ligne ont publié l’information ce lundi 21 Juillet : « CRIET : un jeune homme poursuivi après la publication de vidéos intimes d’une femme ». Ou encore : « Bénin : un slameur poursuivi pour harcèlement numérique ».

La semaine avant, les journaux parlaient déjà d’un tiktokeur condamné à 24 mois de prison avec sursis et deux millions d’amendes par la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) pour cybercriminalité et harcèlement de la police. 

Un peu plus de deux semaines plus tôt, un autre journal titrait ce qui suit : « Vidéos intimes et menaces : un détenu rejugé pour harcèlement par voie électronique ». 

Ces types d’informations sur les violences en ligne deviennent monnaie courante depuis l’avènement d’internet, surtout des réseaux sociaux. Rachida Houssou, rédactrice en chef du média privé béninois Bip Radio,  un média couvrant régulièrement des affaires judiciaires a remarqué qu’un nombre considérable d’affaires liées à la cybercriminalité est évoquée  aux audiences auxquelles elle assiste. «Lors d’une enquête à laquelle j’ai participé sur les « gaymen » en 2023,  l’Office Centrale de Répression de la Cybercriminalité (OCRC) renseignait que 623 présumés cybercriminels ont été interpellés seulement au premier semestre de l’année ».

Par ailleurs, sur un échantillon de 78 personnes enquêtées sur le sujet, à la question de savoir si elles ou quelqu’un de proche à elles ont été victimes de violence en ligne, 53,8% ont répondu par oui contre que 43,6% des répondants qui ont dit non et 2,6% des enquêtés n’ont pas souhaité répondre à la question.

Figure 1 : Victime ou proche d’une victime de violences en ligne

Un constat qui confirme malheureusement les craintes du président de la CRIET Edouard Cyriaque Dossa. A la création de la CRIET, dans son mot de bienvenu, il avait estimé qu’à « l’ère du numérique, l’observance des droits d’autrui dont la recrudescence de la violation, se laisse observer ». Confirmation également de la part du procureur spécial près la CRIET Mario Mètonou qui à la faveur d’une audience solennelle en Octobre 2024, faisait le bilan des dossiers traités par le tribunal spécial. Selon les statistiques, en six ans d’existence, la CRIET a compté 6358 procédures dont 1956 en lien avec la cybercriminalité.  

Des faits récurrents et des chiffres non négligeables qui soulèvent la question de l’impact réel du Code du Numérique en République du Bénin. 

Quid du Code du Numérique en République du Bénin ?

Le Code du Numérique en République du Bénin a été promulgué en Avril 2018 par la loi n°2017-20 à la suite de son adoption par les députés de l’Assemblée Nationale en Juin 2017 et sa mise en conformité Janvier 2018 par la Cour Constitutionnelle béninoise. Selon le consultant en droit du numérique Dr. Julien Comlan Hounkpè, relayé sur le site d’informations Bénin Révélé, « C’est un ensemble de lois qui visent à régir le secteur numérique, notamment en matière de réseaux, de services de communications électroniques, de commerce électronique, de protection des données personnelles et de lutte contre la cybercriminalité. Il a été conçu pour offrir un cadre juridique clair et sécurisé aux entreprises et aux citoyens, tout en promouvant le développement du numérique. »

Figure 2 : connaissance du Code du Numérique par la population

 Interrogées sur leur connaissance du Code du Numérique, 35,4% sur les 79 personnes ont répondu par l’affirmatif pendant que 11,4% n’en savent rien et 31,6% en ont vaguement entendu parler.

Figure 3 : Avis de la population sur l’efficacité du Code du Numérique au Bénin contre les violences en ligne.

Sur les 79 personnes enquêtées, 43% estiment qu’il est efficace contre les violences en ligne contre 21,5% qui disent le contraire et 35,4% n’en savent rien. 

Serge Nonvignon, responsable relation média radio à la direction de la communication à la présidence de la république du Bénin affirme qu’« il représente une avancée législative majeure pour notre pays », car il « a comblé un vide important en structurant l’environnement numérique, en définissant les droits et devoirs des utilisateurs, et en posant les bases pour la lutte contre les cybercrimes, y compris les violences en ligne ». Avant lui, « c’est l’ordonnance 2002-002 portant principes fondamentaux du régime des télécommunications qui a régi le secteur du numérique jusqu’en 2014 » a rappelé en son temps, au cours d’une conférence en Janvier 2019, Serge Edgard Koudjo, ancien secrétaire général du ministère de l’économie numérique et de la communication.

Visuel obtenu à partir d’un montage

Cet instrument juridique porte comme objectifs la réglementation et le développement du secteur, la protection des données personnelles, la lutte contre la cybercriminalité, la promotion de la confiance et de la souveraineté numérique, le renforcement du cadre juridique.

Sur la question de l’efficacité, Serge Nonvignon est formel. « En premier, il a un effet dissuasif. En second, il offre un cadre juridique aux victimes pour agir. Enfin, il contribue à une prise de conscience collective. » Il en profite pour rappeler les sanctions pénales que prévoit le Code pour les actes qui relèvent des violences en ligne. «  le harcèlement en ligne (article 551), la diffusion d’images ou de propos à caractère sexuel sans consentement (articles 547 et 548), la diffamation et l’injure publique via les réseaux sociaux (articles 553 et 554), ou encore l’atteinte à la vie privée » déclare le responsable relation média radio à la direction de la communication de la présidence de la république du Bénin.

Que disent les hommes de droit et la société civile au sujet de l’efficacité ou non du Code du Numérique en République du Bénin ?

A cette interrogation, ils ont répondu par l’affirmative. Pour Landry Angelo Adélakoun, « Le Code du Numérique contribue sensiblement à la réduction des violences en ligne. » Le juriste, consultant en gouvernance démocratique et droits humains explique en effet que « depuis l’entrée en vigueur du Code, chacun réfléchit par deux fois avant de se hasarder à menacer, calomnier, diffamer ou harceler. » Pour lui, « la rigidité des sanctions prévue, la promptitude des organes notamment la CNIN (Centre National d’Investigations Numériques) et la CRIET dissuadent et disciplinent de nombreuses personnes qui auraient pu continuer à exceller dans la violence en ligne si ce cadre légal n’existait pas. » 

Visuel obtenu à partir d’un montage

Alao Hafid Adjassa, juriste spécialisé en droit numérique et data privacy se dit interloqué par les « imprudences majeures » qu’il enregistre constamment sur les réseaux sociaux. Il en cite quelques-unes et en parle en ces termes : “Chaque semaine, une conversation privée fuite et devient objet de buzz sur Internet … Mais les auteurs de la fuite savent-ils qu’un ou les interlocuteurs dans la conversation peuvent les poursuivre?” Il renchérit en évoquant la protection des données à caractère personnel : “Sur les réseaux sociaux, des personnes se sont récemment trouvées la vocation d’assistants sociaux et parfois même de collecteurs de l’épargne publique. Tantôt pour aider un tel en situation difficile, tantôt pour dénoncer un tel autre indélicat. Sauf que, outre les autres aspects légaux méconnus de ces activités, des données personnelles sont exposées parfois sans le consentement de l’un ou l’autre des protagonistes… C’est un moyen de profilage qui est offert aux cyberdélinquants qui prennent par la suite les personnes concernées, en proie.”

Visuel obtenu à partir d’un montage

Pour toutes ces raisons et d’autres encore, il soutient mordicus qu’avec l’avènement du Code du Numérique en République du Bénin, la conscience a changé dans les usages d’Internet et des réseaux sociaux.   “Il y a eu une nette prise de conscience de ce que l’utilisation des réseaux sociaux peut exposer à des sanctions pénales, surtout.”

Un avis partagé par le défenseur des droits humains, acteur de la société civile béninoise Glory Cyriaque Hossou. Il poursuit par ailleurs en ces termes: “Ce cadre juridique modernise l’environnement numérique béninois, protège les droits des usagers et encourage les investissements. Sa clarté et sa portée témoignent d’une réelle volonté de faire du numérique un levier de développement.”

Mais, il y a un mais… qui invite à une nécessaire révision pour de meilleures performances. 

Visuel obtenu à partir d’un montage

Des lauriers assurément bien mérités sont jetés à cette innovation qui existe dans l’univers juridique et numérique béninois depuis 2017.  Les acteurs interrogés sont unanimes là-dessus. L’efficacité du Code du Numérique est indéniable contre les violences en ligne. Mais chacun d’eux soulève un aspect qu’il faudrait améliorer pour son meilleur fonctionnement. Serge Nonvignon évoque le dynamisme des technologies de l’information et de la communication qui écorcherait la perfection que l’on pourrait attribuer à l’instrument juridique. Il conclut ainsi qui suit: “En somme, le Code est une excellente fondation, mais il nécessite une veille juridique constante et des ajustements réguliers pour rester pertinent face à un paysage numérique en perpétuelle mutation.”

Visuel rassemblant des recommandations des interviewés.

L’acteur de la société civile Glory Cyriaque Hossou se désole quelque peu. Pour lui, “cet outil pouvait être parfait si certaines de ses dispositions ne criminalisent pas la liberté d’expression, le droit des médias et des peines d’emprisonnement pour diffusion de fausses informations.” Il préconise également une plus large vulgarisation du code à travers l’information, la sensibilisation et l’éducation. Un aspect que partage l’homme de droit Landry Angelo Adélakoun qui au-delà rappelle au Bénin les engagements qu’il a signé pour le respect et la défense des droits de l’Homme. “A l’Examen Périodique Universel dernier devant le Conseil des Droits de l’Homme des Nations unies en janvier 2023 à Genève, les États ont recommandé au Bénin de mettre son code du numérique en conformité avec ses obligations internationales en matière de protection des droits humains. Il n’est pas demandé au Bénin de ne pas sanctionner les infractions et communément appelées délits de presse, il lui est plutôt demandé d’éviter les peines privatives de libertés.” Des invitations auxquelles l’Assemblée Nationale béninoise a répondu favorablement en inscrivant la révision du code du numérique à l’ordre du jour de la première session de 2025.

Cette publication WanaData a été soutenue par Code For Africa (CfA) et la Digital Democracy Initiative dans le cadre du projet Digitalise Youth, financé par le Partenariat Européen pour la Démocratie (EPD)

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