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« Le numérique est une aubaine pour l’autonomisation des femmes », Israël Yoroba GUEBO.

 

Israël YOROBA au Bénin Blog Awards 2017

La femme. Son autonomisation. Sa liberté. Des thématiques plus que d’actualité. Et pour le journaliste-blogueur ivoirien, Israël Yoroba, les femmes doivent monter en première ligne dans ce combat. Elles doivent s’affranchir non en s’opposant aux hommes, mais en saisissant des opportunités actuelles pour s’affirmer. Tiens,  le numérique par exemple, est un excellent moyen d’expression, d’affirmation de soi mais surtout d’automatisation professionnelle et sociale. « L’avantage avec le numérique (au sens large de terme) c’est qu’il peut s’intégrer à tous les secteurs. Les femmes doivent l’embrasser », indique le président du Jury des Benin Blog Awards. Interview d’un dimanche matin à Cotonou.

La définition, elle est transversale pour tout le monde. Qu’on soit homme ou femme, qu’on vive en Afrique ou ailleurs dans le monde. Par contre, la perception peut varier. Dans l’imaginaire collectif, on se dit que les hommes sont beaucoup plus portés vers ces technologies. On se dit aussi que l’informatique ou le numérique est un métier d’hommes. Mais les femmes doivent se rendre compte que de par leur conception, leur façon de voir le monde, par leur sens du détail et de l’organisation, elles devraient aussi se lancer dans le numérique parce qu’une fois qu’elles y sont, elles apprivoisent beaucoup mieux ces outils que les hommes. Les femmes doivent intégrer le numérique dans leur vie quotidienne privée et publique.

Il faut dire que depuis quelques années, il y a une vraie prise de conscience. La preuve, vous me faites une interview avec le téléphone portable et non avec un dictaphone à pile. Vous vous servez des nouveaux outils pour faire votre travail. C’est de cela qu’il s’agit.  Vous vous rendez compte, et cela quel que soit le secteur, qu’il faut, d’une façon ou d’une autre prendre en compte le numérique.  Les hommes vont se faire dépasser, vont se faire battre à plates coutures par la femme qui utilise le numérique. Dans les pays anglophones, les femmes sont très dynamiques, elles sont à l’avant-garde de cette défense de droit à la femme aux outils numériques, à internet. Elles excellent dans tout ce qu’elles font. Elles sensibilisent.

Chaque fois que j’arrive dans un pays, je suis heureux de constater qu’il y a des femmes qui s’engagent dans cette bataille pour la vulgarisation du numérique à l’endroit d’autres femmes.

D’un autre côté, il y a des femmes qui sont encore réticentes parce que l’environnement dans lequel elles vivent, est hostile à toutes ces questions technologiques. En fonction des pays, je rencontre divers types de femmes qui façonnent à leur convenance le numérique, et d’autres, qui ne connaissent même pas son utilité alors qu’elles sont allées à l’école et ont obtenu de grands diplômes.

Elle a beaucoup de chance de faire plus que le standard. La femme aura plus le sens du détail, le sens de la finition, le sens de la perfection, le sens de la beauté, de l’esthétique. C’est lié à la nature de la femme. Vous mettez le numérique entre les mains d’une femme, elle le rend meilleur.

Israël YOROBA

Je vais d’abord préciser que ma réponse ne repose sur aucune étude scientifique, mais plutôt un constat en fonction de mon environnement. C’est important de le souligner car quelqu’un pourrait dire le contraire et n’aurait pas tort. Une fois que ça s’est dit, je vais me permettre de segmenter en deux tranches d’âge. On a d’abord les 14-18 voire même 20 ans. Cette jeunesse-là est dans le numérique pour s’amuser. Elle utilise internet pour s’amuser et monter qu’on sait s’amuser… En général, un peu après 20 ou 25 ans elles ont un usage beaucoup plus professionnel de ces outils du numérique. Peut-être parce qu’à ce moment elles ont idée plus claire de ce qu’elles veulent et qu’elles voient dans le numérique un accélérateur pour leurs projets, leurs idées.

Un exemple, aujourd’hui, les écrivaines en Côte-d’Ivoire vendent leurs livres sur Facebook ! Les couturières, les stylistes, les modélistes utilisent WhatsApp pour avoir des clients au niveau national et international.

Le combat qui est mené aujourd’hui par certaines femmes, c’est justement sensibiliser la première tranche à utiliser internet de façon responsable.

C’est une erreur. Il faut les familiariser à ces outils en les éduquant. Parce que de toutes les façons, ils vont découvrir au dehors ce que les parents craignent pour eux. Quand on est dans une ville et on a des parents connectés, ils peuvent contrôler, surveiller leurs enfants. Mais dans les régions où il n’y a pas internet, que les parents ne savent pas de quoi il est question, où des enfants vont au cybercafé ; ils découvrent le monde fascinant d’internet avec ses travers, ses revers et tout. Que peuvent faire les parents ?

Dès le bas-âge, il faut les sensibiliser. Mon fils, quand il prend mon téléphone, je lui parle. Il n’a que six ans, mains il faut qu’il soit préparé à ça. C’est comme la sexualité. C’est un sujet tabou. Mais il faut en parler en fonction de l’âge de l’enfant avec beaucoup de délicatesse… Raison de plus pour les femmes de comprendre davantage le numérique et d’y avoir accès parce qu’elles sont plus présentes à côté des enfants pour leur éducation que les hommes.

Je parlerai uniquement de quelques exemples en Côte d’Ivoire. C’est ce que je maîtrise le mieux. Je cite Édith BROU et Yehni DJIDJI. Elles sont blogueuses, entrepreneures. La première est la présidente de l’association des blogueurs de Côte-d’Ivoire, la deuxième en est la trésorière.  Je cite Karidjata DIALLO qui est entrepreneure et activiste. Il y en a plusieurs autres…

Elles ont toutes, quelque chose en commun. Les deux premières surtout d’avoir commencé par le blog, d’avoir transformé leur passion en un métier et ce métier en un business. De plus en plus en Côte-d’Ivoire, les femmes se lancent dans l’entreprenariat numérique ou dans l’entreprenariat avec le numérique. Un exemple, si une femme a des habits à vendre, plutôt que d’aller louer un espace, elle va utiliser Facebook comme sa boutique, après faire des livraisons à domicile en prenant les commandes.

A part les femmes que j’ai côtoyé au cours de ce séjour dans le cadre du Bénin Blog Awards ; j’ai fait un constat et c’est dans le cadre général. Il y a comme une rétention par rapport au numérique qui est peut-être guidé par l’environnement, je ne sais pas. Mais elles ont peur de se dire ‘il faut que j’y aille, que je me lance, que je fonce il faut que je prenne mon destin en mains’. Une sorte de pudeur digitale. J’en ai croisé ici à Cotonou qui avait peur de se lancer. Pourtant, elles ont tout le potentiel pour cela. Parce que dans la conception aussi, on se dit que c’est l’homme qui prend les rênes, qu’on voit devant. Ce n’est pas faux. Mais il faut aussi que les femmes prennent des initiatives ! Je connais bien Sinath SAKA que j’ai rencontrée il y a quatre, cinq ans en arrière. Quand elle s’est lancée, on a vu où ça l’a emmené ! Très loin. Aujourd’hui, elle travaille pour des médias internationaux. C’est la preuve que si une femme béninoise veut, elle peut.

Il faut qu’elles arrêtent de penser local. Il faut qu’elles pensent global. Il ne s’agit pas uniquement d’avoir un blog. Mais comment est-ce qu’on le vend à l’extérieur ? Elles peuvent par exemple au-delà du blog se proposer d’écrire pour un magazine sous-régional autour de la femme, du cinéma, du monde rural. Se proposer de faire le tour du Bénin et dévoiler sur la toile tout ce qu’elle découvre de merveilleux ou d’uniques, que les gens ne connaissent pas encore. Organiser des événements sur le continent. Chercher des partenariats à l’international… Avoir de la notoriété.  Il ne s’agit pas uniquement d’écrire et de publier. Mais aussi de faire la promotion de son blog, de son talent, de sa personne.

Israël YOROBA aux Bénin Blog Awards 2017

C’est une très bonne question. (Pause, soupirs). Si une femme veut s’engager, elle doit le faire avec son environnement, ses parents. Avec le soutien de son époux, de son conjoint, de ses enfants. Il ne s’agit pas de laisser tomber enfants, mari, parents… tout ce qu’elle fait habituellement et se dire ‘ok, je veux me consacrer à ma vie de blogueuse, d’entrepreneure, de journaliste…’ Ce n’est pas ça. Le secret est d’arriver à convaincre les autres de nous accompagner. Dans le cas extrême, il faut faire un choix, un sacrifice…

Ganiath BELLO