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Je n’y ai pas cru et j’ai prié pour que cela soit un mensonge

Ces scènes se déroulent au marché Dantokpa

La petite vendeuse de papiers hygiéniques

Je suis allée faire des courses au marché. C’était l’après-midi du 15 Juin. La veille de la célébration de la journée de l’enfant africain. Le temps était humide. Une fine pluie avait, quelques heures plus tôt, rendu à néant tous mes espoirs d’une journée ensoleillée. Pas de soleil sous ce ciel un peu assombri. Cela me fait rappeler le visage de cette petite enfant, peut-être cinq ans ou un an de moins. Un peu crasseuse. La robe un peu trop large avait perdu sa couleur blanche depuis fort longtemps.

Des images de marché prises dans d’autres circonstances

Elle a presque tiré ma robe afin que je lui achète ne serait-ce qu’un seul de son lot de papiers hygiéniques. Je n’en avais pas besoin. Je l’ai regardée avec un pincement au cœur et lui ai gentiment dit : ‘’je n’en veux pas’’. Elle avait un regard absent. Pas celui d’une petite fille de son âge, dont la place se trouve entre les jambes de sa mère et de ses sœurs. En train de jouer à la poupée. Elle portait sur ses frêles épaules une vie qui n’était pas la sienne. Une vie d’adulte à la quête de sa pitance. Une vie à qui DIEU n’a pas beaucoup souri. Je fermai les yeux pour ne plus penser longtemps.

Les cotons-tiges lui réclamaient acheteurs

Quelques minutes plus tard, prenant mon gari chez la vendeuse, une autre, vraisemblablement du même âge, me toucha pour que je lui achète un de ses cotons-tiges. 50 FCFA l’unité. Je n’en avais pas non plus besoin.  le lui exprimai. Elle baissa alors les yeux et s’éloigna.  Je la regardai partir. Elle portait un bomba fait avec un tissu wax de couleur à dominance verte. Je remarquai que ses sandales avaient l’air fatiguées par des années d’usage. Ses pieds étaient couverts de boues sèches.

Probablement qu’elle a marché dans des flaques d’eau boueuses. Elle poursuivait son chemin comme une grande, proposant ses articles aux usagers du marché. Tellement elle était petite de taille qu’on était obligé à chaque fois de regarder à gauche et à droite en baissant les yeux pour la voir. Elle ne s’en rendait pas compte. Elle voulait juste finir de vendre ses articles.

Des images de marché prises dans d’autres circonstances

Des idées noires

J’imaginai ma fille à sa place. Mon cœur se serra. Je criai ‘’NON’’ dans ma tête et implorai DIEU de lui épargner une telle vie.

J’étais sidérée. Alors, je fis une pause et avec ma tête, fis un trois quart de cercle pour observer autour de moi. Ils pullulaient dans le marché, les enfants de moins de 14 ans qui vendaient ou proposaient leurs services comme colporteurs. Il y avait beaucoup plus de filles que de garçons. Je me suis alors rappelée que c’était les vacances et qu’à cette période au Bénin, précisément au marché Dantokpa, les parents, les tuteurs et autres déversent sur le marché les enfants avec des produits à vendre sur la tête au nom des jobs de vacances.

Une autre, une dizaine de minutes plus tard, devant la vendeuse de pâte alimentaire, me présenta ses tas de piment vert. Elle était un peu plus âgée. Peut-être 10 ou 12 ans. J’en avais déjà du piment dans mon sac d’emplettes. D’un pas hésitant et me jetant un dernier regard dans l’espoir que je changerai d’avis, elle continua son chemin et héla un autre client.

Le futur enfant africain

A côté de tous ces enfants, il y a aussi cette vendeuse de serpillières. Elle devait avoir entre 30 ans et 35 ans. Elle m’apostropha et me les proposa. J’en avais besoin et le lui dis. Je n’ai pas d’abord remarqué sa grossesse. C’est la charge sur sa tête qui était impressionnante. Je faisais mon marchandage quand un moment, elle s’arma d’une force intérieure et souleva de ses deux paumes de mains, son gros colis de serpillières toutes tailles et toutes couleurs confondues.

Dans une expiration profonde qui en disait assez sur son état de fatigue, elle reposa le colis sur sa tête. C’est quand elle descendit au sol sa marchandise pour me donner mon lot que je vis le ventre arrondi bien attaché dans ses pagnes. Elle devait être enceinte de 6 ou 7 mois. Lorsque j’ai insisté pour revoir à la baisse le prix, elle me dit dans un fongbé qui implorait le pardon : « Vous êtes ma première cliente de la journée, j’ai marché tout le temps, je suis fatiguée, prenez ces articles à ce prix s’il vous plait ». J’étais sa première cliente de la journée et il était 17 heures passées.

Des femmes fortes dans leur propre ombre

Des images de marché prises dans d’autres circonstances

Je n’y ai pas cru et j’ai prié pour que cela soit un mensonge. Elle fait surement partie d’une de ses innombrables femmes fortes, non alphabétisées ou semi-scolarisées. De nuit comme de jour, au soleil rouge ardent ou terni, elles se battent pour leur vie et leur famille. Celles-ci n’ont pas la chance d’être allées à l’école et n’ont pas la chance d’être propulsées au-devant de la scène pour leur bravoure.

Dans quelques mois, elle mettra au monde un autre enfant africain. Un an après, nous allons le célébrer. Certains dans l’hypocrisie totale, d’autres dans des actions impactantes et concrètes.

Dieu veille sur le monde. Bonne célébration à tous.

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Les Cahiers de Ganiath

Je suis Ganiath BELLO, celle qui se cache derrière Elles Médias. Elles Médias, c'est un blog-magazine qui parle de femmes, d'entrepreneuriat, de numérique et de culture en Afrique. Ce blog-magazine, c'est pour autrement faire du journalisme. Un métier qui toujours a été ma passion. Si on nous tacle d'être les "apporteurs de mauvaises nouvelles à travers le monde"; je veux me compter parmi les blog-médias qui ne révèlent que les côtés positifs, motivateurs et brillants de notre cher continent MAMA AFRICA! Vos contributions de toutes sortes: commentaires, abonnements, likes, suggestions, achats de tranches publicitaires, partenariats sont donc très très très et plus que les bienvenues... MERCI de vivre avec moi, Mon Rêve! Bisous et essayez toujours de garder la pêche! C'est toujours mieux.

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