Deux époques en contradiction. Une vie divisée en morceaux épars, dysharmonieux. Pourtant, je les avais rêvé, imaginé, souhaité ; l’une complétant l’autre. La deuxième tenant la main de la première afin que celle-ci contemple et soit heureuse des fruits qui ont tenu la promesse des fleurs.
Je porte l’âge qui n’offre plus à la femme les choix multiples, variés et illimités de ses 22 ans. Je porte l’âge qui nous fait prendre conscience que la mort et les malheurs sont plus proches de nous que notre notre propre âme. Ce n’est plus mes 18 ans ou mes 22 ans qui se sont éclos et se sont épanouis sous un soleil d’or. Ce n’est plus l’âge de mes talons aiguilles et de ma poitrine qui damnait plus d’un.
A mes 18 ans et quelques 4 ou 6 ans au dessus, le miroir était mon allié le plus fidèle, mon meilleur ami, mon confident le plus sollicité. Il me renvoyait une image de moi qui faisait pétiller mes yeux ronds. Mes longues jambes d’un noir doux aux caresses venaient achever des seins galvanisés et un abdomen aussi plat que le creux d’une assiette vide à tel point qu’il suscitait des envieuses.
Ce visage rond et espiègle, ce sourire qui ne s’efface jamais, ce nez ni long ni épaté qui donne envie à des mains incontrôlées de les tenir à chaque fois et de les presser avec douceur et légèreté.
N’eût été la pudeur, la religion, l’éducation traditionnelle ; la fille de mes 18 ans a rêvé compétir pour les concours Miss tant le miroir de sa chambre lui renvoyait une image parfaite d’elle telle Cendrillon avant les cloches de minuit mais dans sa version africaine au teint d’ébène. Tellement je tenais au miroir que partout où j’allais, j’en avais toujours dans mes affaires.
10 – 15 – 20 ans après. Nous sommes aujourd’hui. Le miroir de la chambre principale a toujours son recto face au mur. Celui de la douche est totalement invisible. Les fenêtres de verre pourtant grandes assistent désolées, à mes allers-retours la tête baissée ou le regard tourné vers l’ailleurs.
Le miroir est devenu comme une vérité que je veux constamment cacher, le reflet d’un corps qui ne m’appartient pas, que je n’accepte pas. Un mensonge pour mon esprit qui a toujours 20 ans. Je déteste ce miroir avec sa grosse tête et ses mains disgracieuses. Ses bourrelets qui n’en finissent pas de s’arrondir. Ce miroir qui veut me faire croire que c’est moi qui suis difforme.
Je n’aime pas mon miroir d’aujourd’hui. J’adulais celui de mes 20 ans.
J’ai aimé ce que j’ai lu. J’aime le style, la finesse et la précision qui caractérise les différentes descriptions. C’est une vérité, notre vérité hélas dans laquelle chacun y laisse ou laissera de sa personne.
On prend tous de l’âge. Mais la grande question, c’est à quelle vitesse ? Avant j’étais chétif comme une allumette, aujourd’hui j’ai pris du poids et je cherche même à retrouver cette finesse de mon corps que je n’aimais pas autrefois, avec cette constante envie de rester jeune et frais.
Mais quand le temps use nos corps, et que plus on avance et plus on se transforme soit selon qu’on veut ou selon qu’on n’a plus le choix, on se rend compte que le mieux au-delà de la nostalgie, c’est s’accepter maintenant comme on est en essayant de se convaincre, que l’autre moi n’est plus.
C’est une question existentielle que tu soulèves, une pensée qu’on a tous et une envie qu’on nourrit d’optimisme et réalisme. L’essentiel c’est de continuer à vivre.
Merci Ganiath
Merci EMMANUEL pour ce retour favorable et positif…
A première lecture, certains estiment que le texte est seulement destiné à moi ou juste aux femmes. Lire ce témoignage venant d’un homme est une belle preuve qui démontre que le corps de l’homme aussi même s’il ne subit pas les affres physiques de la maternité et autres, connait des mutations intéressantes ou fâcheuses.
Et comme tu l’as si bien dit dans ton propos, faudrait faire avec ou corriger ce qui peut l’être.
En somme, nous devons apprendre à aimer notre corps, c’est l’un des premiers pas pour nous aimer nous-même.
Merci encore Emmanuel.